Classification structurelle (S1 à S6)
Ce guide pratique et vulgarisé explique, sans rien perdre du contenu technique, comment déterminer la classe structurelle d’un ouvrage en béton en croisant la durée d’utilisation de projet, la classe d’exposition (X0, XC, XD, XS, XA) et la classe de résistance minimale du béton. Vous trouverez aussi les règles de majoration et de minoration autorisées, des exemples et des conseils de mise en œuvre.
1) Définition et objectif
La classification structurelle regroupe six classes, de S1 à S6. Elle sert à fixer un niveau d’exigence cohérent pour la durabilité et la qualité des ouvrages en fonction de leur environnement et de la durée d’utilisation visée.
- Classe minimale : S1.
- Bâtiments & génie civil courants (50 ans) : on utilise généralement S4.
En clair, la classe structurelle fait le lien entre la durée d’utilisation, la classe d’exposition et la classe de résistance du béton pour déboucher sur une prescription lisible et vérifiable.
2) Effet de la durée d’utilisation de projet
- 100 ans ⟶ majoration de +2 classes (objectif de longévité accrue).
- ≤ 25 ans ⟶ minoration de −1 classe (ouvrage temporaire ou durée courte).
Ces ajustements s’appliquent à la classe structurelle retenue pour l’ouvrage ou la partie d’ouvrage.
3) Classes d’exposition : rappel utile
La classe d’exposition caractérise l’agression de l’environnement sur le béton et les armatures. Voici les familles les plus courantes avec une description vulgarisée pour le choix initial.
Famille XC — Carbonatation
- XC1 : ambiances sèches ou constamment humides (intérieur sec, béton immergé).
- XC2 : ambiance humide rarement sèche.
- XC3 : ambiances modérément humides / alternances sec–humide.
- XC4 : cycles fréquents mouillage–séchage.
Autres familles
- X0 : aucun risque significatif de corrosion ou d’attaque.
- XD1–XD3 : chlorures hors milieu marin (ex. sels de déverglaçage).
- XS1–XS3 : chlorures en milieu marin (embruns, marée, immersion).
- XA1–XA3 : attaques chimiques (ex. sulfates), sévérité croissante.
4) Classe de résistance minimale du béton (selon l’exposition)
Le tableau ci-dessous rappelle la classe de résistance minimale généralement associée à chaque classe d’exposition représentative.
| Classe d’exposition | Classe de résistance minimale du béton |
|---|---|
| X0 | ≥ C30/37 |
| XC1 | ≥ C30/37 |
| XC2 / XC3 | ≥ C30/37 |
| XC4 | ≥ C35/45 |
| XD1 / XS1 / XA1 | ≥ C40/50 |
| XD2 / XS2 / XA2 | ≥ C40/50 |
| XD3 / XS3 / XA3 | ≥ C45/55 |
Astuce d’ingénierie : choisir volontairement une classe de résistance supérieure à l’exigence liée à l’exposition peut permettre de minorer la classe structurelle d’une unité (voir §5), à condition de documenter ce choix dans la note et le CCTP.
5) Ajustements possibles (majorations / minorations)
5.1 Air entraîné > 4 %
Si la teneur en air entraîné du béton est > 4 %, la limite de classe de résistance peut être diminuée d’une classe. L’air entraîné améliore la tenue aux cycles gel–dégel.
5.2 Cas « corrosion par carbonatation » (famille XC)
- Pour XC1, XC2, XC3, viser au moins C35/45 est pertinent.
- Pour XC4, viser C40/50 est souvent recommandé.
- Avec un CEM I sans cendres volantes (moins favorable à la carbonatation), une minoration d’une classe peut être envisagée si la qualité globale est maîtrisée.
5.3 Compacité de l’enrobage
Une excellente compacité de l’enrobage (béton dense, correctement vibré, sans nids) autorise la minoration d’une classe : les agents agressifs pénètrent moins, la passivation des aciers dure plus longtemps.
5.4 Éléments plans & faces coffrées de qualité
Les éléments plans (dalles, y compris nervurées) coulés horizontalement sur coffrages industriels ou issus d’éléments préfabriqués présentent des parements serrés : minoration d’une classe admise si la qualité est démontrée.
5.5 Éléments assimilables à une dalle
Lorsqu’un élément se comporte comme une dalle et que la position des armatures n’est pas affectée par le procédé de construction, on peut minorer d’une classe.
5.6 Maîtrise particulière de la qualité de production
Des processus de production maîtrisés (traçabilité des constituants, contrôles resserrés, régularité en centrale ou en usine) autorisent également une minoration d’une classe.
À retenir : les minorations ne se cumulent pas automatiquement. Elles doivent être justifiées par le contexte, documentées (plans d’assurance qualité, procès-verbaux) et validées par la maîtrise d’œuvre.
6) Méthode pas à pas pour fixer la classe structurelle
- Durée d’utilisation : choisir 25, 50 ou 100 ans et appliquer la majoration/minoration correspondante.
- Exposition : déterminer la classe (X0, XC, XD/XS, XA) pour chaque partie d’ouvrage si nécessaire.
- Résistance : lire la classe minimale du béton au §4.
- Optimisations : décider d’un béton plus résistant, d’air entraîné > 4 %, ou de procédés assurant une haute qualité d’enrobage/coffrage.
- Conclusion : arrêter la classe S1–S6 et prescrire : exposition, résistance, enrobage nominal, exigences de contrôle.
- Traçabilité : intégrer la justification dans la note de calcul, le CCTP et les plans.
7) Exemples d’application
Exemple A — Bâtiment courant (50 ans)
- Référence : S4.
- Exposition : XC2/XC3 ⟶ résistance min. C30/37.
- Choix projet : béton C35/45 pour robustesse ⟶ minoration possible de −1.
Exemple B — Ouvrage en zone marine
- Exposition : XS2 ⟶ résistance min. C40/50.
- Procédé : coffrages industriels, contrôle qualité renforcé, enrobage adapté.
- Air entraîné : non prioritaire en milieu marin ; minoration à analyser au cas par cas.
Exemple C — Ouvrage de longue durée (100 ans)
- Durée : 100 ans ⟶ +2 classes.
- Exposition : XC4 ⟶ min. C35/45 (souvent C40/50 recommandé).
- Stratégie : béton de classe élevée + préfabrication éventuelle + contrôle usine.
8) Points de vigilance & bonnes pratiques
- Segmenter par zones (pieds de poteaux, voiles enterrés, dalles exposées…) : plusieurs expositions peuvent coexister.
- Enrobage : épaisseur nominale et compacité sont déterminantes.
- Ciment & additions : la composition influence la carbonatation et la perméabilité.
- Exécution : vibration, cure, conditions climatiques et qualité des coffrages impactent la durabilité.
- Contrôles : organiser les essais, la traçabilité et la réception des bétons.
9) Mini-glossaire
Durée d’utilisation de projet — période pendant laquelle l’ouvrage doit satisfaire aux performances spécifiées (50 ans par défaut, 100 ans pour une longue durée).
Classe d’exposition — niveau d’agression environnementale attendu (carbonatation, chlorures, attaques chimiques…).
Classe de résistance — classe Cxx/yy (valeur caractéristique cylindre / cube) à prescrire pour le béton.
10) Références & mise en œuvre
- Consigner dans le CCTP : classe structurelle, classe d’exposition, classe de résistance, enrobages, contrôles.
- Coordonner maîtrise d’œuvre, entreprise, laboratoire pour justifier toute minoration/majoration.
- Tracer les hypothèses dans la note de calcul et sur les plans.


